Randy Cohen (Version française)



J’ai rencontré mon ami Randy Cohen, sa charmante épouse italienne, Stella et son chien Willy en 2013 lors d’une mémorable soirée où il nous avait cuisiné les fameuses « crawfish », des écrevisses New Orleans style (super épicées, mais avec une bonne bière fraîche, c’est excellent). Il m’avait raconté son parcours atypique, puis m’avait montré son atelier de réparation d’amplis tout en discutant de cuisine italienne.

Musicien hors pair, il a son style bien à lui. Lorsque je suis revenue à la Nouvelle Orléans en avril 2018, il avait organisé une jam dans son salon avec notamment le chef indien Alfred Doucette, ce fut aussi une belle soirée.



Il m’a accordé une petite interview récemment, alors je vous laisse découvrir sa vie, ses passions et sa musique….

« La course à la musique, c’est toute ma vie. C’est ma passion, et, plus que tout, c’est ce qui me permet de rester en vie. Devoir gagner sa vie, c’est bien sûr un poids que j’ai dû porter toute ma vie. L’argent n’a jamais été un but en soi pour moi ; je suis simplement tellement heureux d’être vivant et de faire de la musique, mais il faut bien manger...
   Pour moi, jouer de la musique que je n’aime pas n’a jamais été une option. Les concerts de rock classique sur Bourbon Street (ou ceux de blues classique) ne m’attirent pas du tout et je refuse de le faire. Il y a donc quelques genres musicaux différents que je recherche, qui me nourriront. Actuellement, je joue plus de Delta Blues à la guitare slide, c’est ce qu’ils aiment vraiment ici dans le Mississipi et c’est l’un de mes deux styles préférés. Presque personne d’autre ne le fait, ils peuvent appeler cela du « Delta Blues », mais il n’y en a que très peu qui font vraiment du Muddy Waters, Elmore James et Howlin’ Wolf et j’ai toujours adoré cela. J’ai une version cool de John Lee Hooker aussi. Je ne fais pas de versions à la guitare rock, mais ces chansons qui racontent des histoires de romance et d’amour perdu m’émeuvent. Il faut les « mettre à votre sauce » et vous y plonger totalement ! C’est ma passion, cela me semble juste. 



   Je travaille beaucoup maintenant avec mon groupe solo car c’est un problème de faire tourner un groupe, et beaucoup de musiciens ne savent pas comment jouer ce Delta Blues. Il faut toujours recommencer à zéro pour faire jouer à de nouveaux musiciens ce type particulier de Mississipi/Chicago Blues correctement ; c’est un swing spécial qui s’est un peu perdu dans la musique américaine actuellement et les gens l’adore. J’aime bien mon groupe solo. Il est tellement intact et complet en lui-même, mais pour un grand public de concert, un groupe c’est vraiment mieux, c’est difficile de faire jouer ces gars comme il faut. Cette musique est tellement différente et pour la jouer, j’ai besoin de gars qui sont prêts à se donner très physiquement avec leurs instruments.
       Un autre style que j’ai cultivé, et c’est un style de groupe, est basé sur ma passion de la musique de T-Bone Walker. Jouer du T-Bone Walker et swingin’ jump rythm & blues c’est vraiment ce que je trouve le plus amusant lorsqu’on joue debout ! T-Bone, c’est grâce à lui si je joue de la guitare aujourd'hui, et j’ai pu lui permettre de vivre à travers moi.  C’est le son le plus intéressant que je n’ai jamais entendu...


    
        Afin de ne pas avoir à faire ces concerts à la noix dont j’ai parlé, j’ai poursuivi une autre passion, et c’est l’électronique old school à tubes sous vide. Je répare des amplis depuis mon enfance. Quand j’avais trente ans, j’ai ouvert une boutique à San Francisco et j’ai appris un peu à connaître les différents types d’amplis et l’ancienne technologie. J’ai une pièce remplie d’équipement et de pièces que j’ai accumulés au cours des années. Je mets une annonce sur Craig’s List et dans l’annuaire téléphonique et ils appellent. Il y a un gars qui faisait cela ici à la Nouvelle Orléans et il a arrêté. J’attends plus de boulot maintenant et j’en ai besoin ! Et il y a toujours des musiciens et amateurs qui essaient de faire des réparations mais ils font un mauvais boulot, ils n’ont pas les compétences techniques, alors les gens me sollicitent parce que j’ai les compétences techniques et que je suis un musicien. Je connais le son que ces amplis devraient transmettre !  Je suis vraiment bon dans ce domaine...



    J’habitais à San Francisco, Californie où j’avais un atelier de réparations,, mais je me déplaçais à Oakland, qu’on appelle aussi localement « East Bay », pour jouer presque tous les soirs. J’y avais mes amis, et il y avait là bas une fantastique scène blues. J’ai pris ma guitare et mon ampli et j’ai fait la tournée de différents bars pour jouer avec des musiciens différents. Oakland était comme une université pour moi. J’ai joué avec de grands chanteurs et, pour certaines raisons, j’ai toujours fini par jouer dans des groupes avec de fantastiques joueurs d’orgue soul et jazz.  Il me semblait que c’était à cause de mon travail solide de guitare rythmée puissante. J’ai joué avec certains de mes héros aussi ; Little Frankie Lee, Johnny Heartsman, Bobby Webb, Jackie Ivory, Deacon Jones et beaucoup d’autres........
  


    J’ai pensé utiliser « The Bluesonics » pour le nom de mon nouveau groupe. « 19th street Red » est tellement associé à la rue ici à la Nouvelle Orléans, parce que je jouais tout le temps dans la rue.  Cela a été vraiment difficile de percer dans la scène club ici. Cependant, la rue m’a fait du bien. C’est ainsi que j’ai rencontré Stéphane et l’asso MNOP en 2008 et 2009 et il m’a fait venir en France. C’est pourquoi j’ai ces connexions européennes. J’ai joué dans les rues partout, en Californie, dans le Mid-West, le Sud, et en Europe, et j’ai joué en marge de nombreux événements sportifs aussi. Plusieurs milliers de personnes me connaissent et me soutiennent. Je veux faire à nouveau plus de tournées. J’ai vécu tant d’aventures dans ma vie, maintenant, je suis beaucoup à la maison, je travaille sur l’électronique. Je vais à Jackson, à Clarksdale (Mississipi) et je fais des petites tournées, oui, mais je voyageais tout le temps dans mon van, c’était une liberté incroyable, comme être un gitan.
J’adorerais jouer plus en Europe, j’étais basé à Bellagio, Italie, et j’y ai joué beaucoup dans la rue aussi. Je souhaite qu’on me fasse venir en Europe pour quelque chose de bien ; c’est difficile de jouer pour des concerts ou festivals, mais c’est ce dont j’ai besoin. Cela fait déjà quatre ans que j’ai été là-bas. J’ai tout spécialement adoré le temps que j’ai passé en Dordogne. Je me suis fait beaucoup d’amis et ils me manquent...



   Je suis arrivé à DC quand j’étais jeune. Pour une certaine raison, je pouvais comprendre le blues. J’écoutais BB King et Louis Armstrong et j’ai été attiré par le blues avant d’avoir 10 ans. Je collectionnais les disques, quand je vivais à Washington DC, où j’ai grandi et il y avait une importante communauté noire, je cherchais donc des clubs où on jouait du blues. J’avais un concert hebdomadaire dans ce bar appelé « Alva’s Lounge » et j’ai fini par jouer avec ces musiciens noirs plus vieux, c’était quand j’avais vingt ans. Ensuite, j’ai déménagé en Californie où j’ai commencé à être impliqué dans la scène Blues d’Oakland. J’ai commencé à jouer avec tous ces grands gars du blues, l’un d’entre eux était Louis Madison, qui a écrit la chanson « Please, Please, Please » pour James Brown en 1955. Ce type était fantastique. James Brown est même venu au club en le cherchant un soir ! C’était une super scène blues à Oakland, Californie ; la musique était extraordinaire ! Plus tard, j’ai rencontré ce couple de Chicago, qui jouait dans les rues de San Francisco. On sortait avec un groupe complet deux fois par jour et on jouait dans le quartier financier. Ils étaient légendaires ; Juliette Valentine et Bruce Brooks, « The Chicago Brother and Sister Blues Band ». On gagnait parfois des centaines et des centaines de dollars en quelques minutes ! Malheureusement, ils se sont auto-détruits au bout de quelques années (problèmes de drogue et alcool). C’est pourquoi j’ai commencé mon propre groupe solo. Je suis devenu « 19th Street Red » et j’ai déménagé à la Nouvelle Orléans en 2002. 


   Et maintenant ? Je joue tous les dimanches et lundis avec mon bon ami et extraordinaire bassiste B.J. Harvey. Il a joué avec Irma Thomas pendant 26 ans ! Lui et son père ont tourné avec Professor Longhair quand il n’était qu’un adolescent ! Nous avons quelques super batteurs que nous utilisons ; c’est un bon petit groupe.
Je fais aussi des tournées, principalement à travers le Mississipi. Je reviens tout juste de Bentonia, où j’ai joué pour le Blues Festival. C’était génial ! J’adore aller au Mississipi : Jackson, Clarksdale, Rosedale, Gulfport, Natchez, Vicksburg, ce sont de fantastiques endroits... »



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