Leyla Mc Calla, la chanteuse aux racines Haïtiennes de la Nouvelle Orléans
Avec « The
Capitalist Blues », Leyla s'inspire du climat politique actuel aux États
Unis où de nombreux problèmes sont financiers, mais rarement simplement
financiers. « On a l'impression d'être tous enfermés dans une cocotte-minute
dans ce pays, » dit-elle. C'est le troisième album de la chanteuse multi-instrumentiste
après Vari-Colored Songs : A Tribute to Langston Hughes (2013) et A Day
for the Hunter, A Day for the Prey (2016). Ces albums et le temps qu'elle a
passé dans le groupe afro-américain The Carolina Chocolate Drops ont présenté
sa vision dans des chansons qui ont révélé les réalités dans lesquelles les
gens vivaient, souvent exprimées sous la forme de métaphores.
Elle a exploré ses
problèmes d'identité Créole Haïtienne dans des chansons dont les arrangements
se concentraient sur la chanson. Elle chantait souvent en s'accompagnant au
violoncelle, au banjo ou à la guitare. Née à New York, Leyla Mc Calla vit à la
Nouvelle Orléans depuis 2010 et A Day for the Hunter, A Day for the Prey lui a
permis d'élargir non seulement son étude de ses identités Créoles mais aussi
ses sonorités, en invitant un certain nombre de musiciens à ajouter violon, clarinette,
piano, guitare électrique et d'autres voix. Dans The Capitalist Blues, elle
revoit sa relation avec la Nouvelle Orléans, par le biais de sa relation
florissante avec la communauté musicale de la ville, et cela l'amena à
enregistrer pour la première fois avec un groupe. Et c'était pas par nature. Le producteur
Jimmy Horn lui a demandé de chanter sur une session avec son groupe de R&B
très connu à la Nouvelle Orléans, King James and The Special Men, à un moment
où elle avait de nouvelles chansons, mais elle ne savait pas trop quelle forme
elle devrait leur donner. En chantant avec les Special Men, elle réalisa que le
fait de travailler avec Jimmy Horn et son groupe à la Nouvelle Orléans pourrait
bien être ce qu'il lui fallait. La collaboration marque la première fois que quelqu'un
d'autre produit son travail. The Capitalist Blues montre un côté plus physique
et plus dansant de la musique de McCalla.
La chanson titre
est un blues qui swingue et il est facile de reconnaître facilement le R&B
classique de la Nouvelle Orléans dans « Me and My Baby » et le calypso
dans « Money is King ». L'album met aussi la voix Leyla dans un certain nombre
de nouveaux contextes à mesure que la taille et la composition du groupe
derrière elle varie de morceau en morceau. « Il y a plus d'arrangement, »,
dit-elle, de sorte que sa voix ressort davantage de la manière dont les fans de
ses précédents albums peuvent s'y attendre sur « Pennha, » mais elle
fait clairement partie d'un groupe plus agité sur « Me and My Baby ».
Les pressions
auxquelles font face les gens viennent se placer en filigrane sur certaines
chansons, mais elles sont tangibles et personnelles dans d'autres. « Heavy
as Lead » aborde la menace causée par le plomb dans le sol, un problème
auquel Leyla a été confrontée personnellement quand sa fille a été testée
positive à des niveaux de plomb élevés. The Capitalist Blues est
superficiellement différent des albums précédents de la chanteuse, mais elle
entend les connexions entre eux. Elle chante toujours certaines chansons en
Créole Haïtien, le « langage de la résistance » selon elle, et elle
continue à explorer la connexion entre la Nouvelle Orléans et Haïti. Son
intérêt pour les problèmes de justice sociale est toujours aussi vif et
beaucoup des thèmes sont des extensions de ceux qu'elle a examinés sur A Day
for the Hunter, a Day for the Prey. Les sujets sont très différents mais les
chansons viennent du même endroit.
« Pour moi, tout
cela reste de la folk, » dit-elle. L'album est frappant car Leyla McCalla
emploie une palette musicale plus large que dans ses albums précédents, qui
implique souvent un groupe entier et des percussions. On remarque toutefois l'absence
d'un instrument, le violoncelle, qui a été son instrument signature tout au
long de sa carrière solo et de son passage avec les Carolina Chocolate Drops. « Je suis arrivée dans un endroit où je
sens qu’on n’est pas nécessairement obligé de jouer du violoncelle pour faire
de l'art », dit-elle.
Leyla Mc Calla répond dans l’interview Offbeat
27 février 2019 par John Wirt
« Vous me dites toujours qu'il faut gravir les échelons. Je
dois payer mes dettes. Mais à mesure que je m'élève, les enjeux montent. J'ai
le blues du capitaliste. Quand je donnerai tout ce que j'ai, je n'aurai pas
grand chose d'autre à perdre.|»
—Leyla McCalla, “The Capitalist Blues”
Leyla McCalla réfléchit à l'état discordant des
États Unis dans son troisième album, The
Capitalist Blues. C'est un sujet vaste et épineux, mais son humour las du
monde allège ce poids. Sorti le 25 janvier, The Capitalist Blues a débuté à la 14ème
place au classement des albums de jazz Billboard
jazz et à la 5ème place au classement des albums de jazz contemporains Billboard.
Malgré les classements jazz de son album, c'est un
autre des divers projets de Leyla McCalla. Auteur-interprète et multi-instrumentaliste,
elle aligne ses paroles réfléchies avec les styles traditionnels de la Nouvelle
Orléans, jazz, zydéco, calypso, le rythm and blues vintage et la musique de la
patrie de ses parents, Haïti.
Jimmy Horn, du groupe de rhythm and blues porteur
de flambeau de la Nouvelle Orléans, King James and the Special Men, a produit The Capitalist Blues. L'ingénieur
vétéran Andrew « Goat » Gilchrist (Maceo Parker, the Meters, the
Neville Brothers) a enregistré le projet, qui prit son envol une fois que Horn
invita Leyla McCalla à enregistré une nouvelle version du standard local « Eh
La Bas » avec les Special Men. Le label Special Man Industries de Horn
sortira « Eh La Bas » le 1er mars en single numérique et en vinyl 45 édition
limitée.
« Je remercie Leyla de m'avoir fait confiance
avec ses chansons, » a dit Horn de son travail de production pour The Capitalist Blues. « C'est un
album qu'elle seule pouvait créer et ce n'est qu'ici à la Nouvelle Orléans que
cela pouvait arriver. Leyla est une artiste hors normes dotée d'une vision
remarquable. Je me sens privilégié d'avoir été le témoin de cette magie de si
près. »
Violoncelliste formée au classique, native de New
York, Leyla McCalla a déménagé à la Nouvelle Orléans en 2010. Tim Duffy, un
manager des Carolina Chocolate Drops, l'a repérée quand elle jouait des
morceaux au violoncelle sur Royal Street, elle a rejoint le groupe afro-américain
récompensé par un Grammy, co-fondé par Rhiannon Giddens et Dom Flemons. L'album
solo de ses débuts, Vari-Colored Songs :
A Tribute to Langston Hughes, sorti en 2013. A Day for the Hunter, A Day for the Prey a suivi en 2016.
En plus de sa carrière solo, Leyla McCalla est un
membre de Native Daughters. En février, le groupe, composé de l'ancien membre
des Carolina Chocolate Drop, Rhiannon Giddens, Amythyst Kiah et Allison Russell,
a sorti son premier album, Songs of Our
Native Daughters.
Bien que Leyla McCalla compose des chansons sur
des sujets plutôt lourds, cela n'empêche pas de ponctuer de petits rires une
récente conversation à St. Coffee sur St.Claude.
Qu'est-ce
qui a inspiré vos chansons de Capitalist
Blues ?
L'inspiration m'est venue de cette sensation de
nager à contre-courant. Et nous nageons tous à contre-courant ensemble. Le
système ne fonctionne pas pour tous de la même façon. Pour un petit nombre de
personnes, cela fonctionne super bien. Mais pour une vaste majorité, pas du
tout.
Vous
tirez donc beaucoup d'idées des événements actuels ?
J'écoute NPR. Je suis les actualités. Et
maintenant, vous pouvez partager des informations si rapidement par le biais
des médias sociaux. C'est difficile de ne pas savoir ce qu'il se passe si vous
êtes sur ces plateformes. J'aime beaucoup lire aussi. Je m'inspire également de
chansons folks vraiment anciennes. Ces vieilles chansons abordent les thèmes
avec lesquels nous sommes toujours aux prises dans notre société aujourd'hui. Il
y a encore un conflit autour de la pauvreté et de l'illégalité. C'est le sujet de cet ensemble de chansons [The Capitalist Blues]. Elles questionnent
la raison pour laquelle nous avons une inégalité galopante dans notre société
et pourquoi nous ne le reconnaissons pas collectivement.
Pensez-vous
que la lutte dont vous parlez s'applique tout spécialement à votre génération ?
On vous dit d'aller au collège et d'étudier. Mais
je sais que beaucoup de gens avec des diplômes de Master et des PhD enseignent
encore le violon bénévolement. Ils ne peuvent pas trouver un « vrai boulot ».
Il font juste de leur mieux pour naviguer dans la société et faire quelque
chose de leurs vies.
Est-ce
que vos parents, qui sont de Haïti, ont une réflexion socialement engagée et
politique ?
Comparé à beaucoup de famille, absolument. Mais
mes parents ne m'ont jamais poussée à penser d'une certaine façon. Il voulait
juste que j'ai une réflexion critique. Et cela a un peu trop bien marché.
Et
vos parents avaient bon goût en matière de musique ?
Ils aimaient le folk-pop. Des gens comme Paul
Simon, James Taylor, Rod Stewart. Mes parents écoutaient aussi Buena Vista
Social Club et de la musique haïtienne. Mon père m'a fait écouter la musique
Tropicália du Brésil. Et quand j'ai eu 15 ans, je lui ai fait écouter Ani
DiFranco. Maintenant, il est encore plus fan que moi.
Bien
sûr, Ani DiFranco vit aussi à la Nouvelle Orléans. Êtes-vous amies ?
Non. Mais j'ai travaillé avec elle sur le projet
musical en prison de Zoë Boekbinder. Ani DiFranco le produit. Je l'ai donc
rencontrée par ce biais et elle est vraiment cool. Je la vois parfois à Uptown,
à l'école où vont nos enfants, mais je suis un peu trop timide pour dire, « Hé,
tu te souviens de moi ? J'ai été chez toi. »
The Capitalist Blues est catalogué comme un album de protestation.
Cela me va. Mais mes autres albums ont aussi des
chansons de protestation. La poésie de Langston Hugues est devenue la musique
de protestation sur mon premier album. Même certaines des chansons folk
haïtiennes traditionnelles sont devenues des chansons de protestation en raison
du concept qui est derrière l'album. Mais, oui, je serai une chanteuse qui
proteste.
Comment
est-ce que Jimmy Horn est devenu le producteur de votre nouvel album ?
Il m'a invité à enregistrer « Eh La Bas. »
C'était un projet amusant. J'ai fait des recherches sur toutes ces différentes
versions de « Eh La Bas ». Il y a tellement de couplets que personne
ne chante. J'ai trouvé une version qui avait des couplets en Créole. J'ai écrit
les mots et je les ai chantés dans le studio.
Et
plus tard, vous avez pensé que vous aimeriez que Horn produise votre album ?
J'ai produit mes deux premiers disques moi-même, mais
je voulais aller dans d'autres directions, acoustiquement, créativement, spirituellement.
Je cherchais un producteur, mais cela ne se faisait pas. Alors j'ai joué ma
chanson, « Heavy As Lead » pour Jimmy et Goat dans le studio. Jimmy
était super enthousiaste, « Je veux le faire ! Ca serait tellement génial. »
Le studio est à 5 minutes de chez moi en vélo. Et je pouvais avoir un groupe de
musiciens de la Nouvelle Orléans en invités sur le disque. Ce que nous avons
ici est si spécial et si fort. Cela a donc été intégré dans le disque.
Comment
c'était de travailler avec Horn comme producteur ?
Les gens connaissent Jimmy parce qu'il joue les
Lundis soirs au Saturn Bar avec les Special Men. Mais il comprend tellement
bien la musique pan-africaine au niveau spirituel et musical. C'est de là que
vient notre connexion, parce que c'est tellement ce que ma musique aborde. Nous
avons adoré travailler ensemble. On s'est tellement amusé. Et c'était génial de
penser, « Oui, la Nouvelle Orléans c'est suffisant. » La Nouvelle
Orléans est l'endroit où cette musique doit voir le jour. C'est là d'où le
message de cet album doit venir.
En
plus des membres des Special Men, on compte parmi vos invités pour l'album
Louis Michot des Lost Bayou Ramblers ; le musicien zydeco Corey Ledet ;
le batteur du Preservation Hall et Palm Court Café Shannon Powell ; le
guitariste et joueur de banjo du Sun Ra et Preservation Hall Carl LeBlanc ; et
la chanteuse Topsy Chapman et ses filles, Jolynda et Yolanda.
Ils ne sont pas bien connus à l'extérieur de la
Nouvelle Orléan, mais ici, ce sont des légendes. Pour moi, l'histoire de ce
disque ne se limite pas à des messages politiques et sociaux. C'est aussi un
paysage acoustique totalement différent. C'est un de mes projets dont je suis
la plus fière, étendant la signification de mon art. Mon art était très
connecté à mon jeu de violoncelle et ma présence avec les Carolina Chocolate
Drops. Mais cet album affirme que j'ai bien plus de choses à dire et que je ne
suis pas liée à un seul instrument ou à une facette de ma personnalité en tant
qu'artiste.
Pourquoi
est-ce que le violoncelle, votre instrument principal, celui que vous avez
étudié, n'est pas sur l'album ?
Ce n'était pas délibéré. C'était faire ce qui
était le mieux pour la chanson. Nous voulions être fidèles à chaque chanson et
son sous-genre. Mais je ne m'en éloigne surtout pas. Jouer du violoncelle, c'est
ma façon de penser, ma connexion avec la musique.
Pourquoi
avez-vous déménagé à la Nouvelle Orléans en 2010 ?
Je cherchais ma voix créative. J'essayais de
savoir si je pouvais vivre de ma musique, et même si je devais vraiment être
musicienne. Je savais que je pouvais gagner de l'argent en jouant de la musique
dans la rue, j'allais en vélo avec mon violoncelle sur le dos sur Royal Street
et je jouais tous les jours. J'y étais
cinq jours sur sept. Cela marchait super bien. Des fois, je me dis, « je
devrais vraiment revenir dans la rue. » Beaucoup de gens, Tuba Skinny et
Doreen Ketchens, y sont encore.
Cela
fait presque une décennie que vous vivez à la Nouvelle Orléans. C'est chez vous
maintenant ?
Mon mari vient du Québec. Parfois je réfléchis à
déménager à Montréal. Et puis, je me dis, « Impossible. Je me gèlerais. Je
serais malheureuse. »
Mais
vous avez vécu à New York pendant l'hiver.
J'ai détesté l'hiver. Je n'aime même pas l'hiver
ici. Et il y a quelque chose de si spécial d'être ici à la Nouvelle Orléans. La
ville m'inspire tellement. J'ai une communauté extraordinaire d'amis et de
soutien. Ma tante vit aussi ici maintenant. Ma sœur a déménagé ici. Ma mère se
partage entre ici et Haïti. J'ai créé des racines solides. Je me suis mariée
ici. Mes enfants sont des Néo-Orléanais.
Vous
vous êtes rendue de nombreuses fois à Haïti au cours de votre enfance. Quand
vous êtes venue pour la première fois à la Nouvelle Orléans, est-ce que la
ville vous a rappelé Haïti ?
Oui. Dès la première fois où je m'y suis promenée,
surtout dans le Quartier français et le quartier du Bywater. L'architecture est
si similaire. Et quand j'ai été à Cap-Haïtien au nord d'Haïti, j'ai pensé, « C'est
la Nouvelle Orléans. » Et depuis que je suis arrivée ici, surtout ces deux
dernières années, il y a eu de plus en plus de conversations sur les connexions
entre Haïti et la Nouvelle Orléans. C'est tellement spécial d'en faire partie.
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